"On dit que l'âme informe le corps. Pourquoi ne pas imaginer un moment que le corps informe l'âme, qu'il l'aide à s'adapter à la vie du monde extérieur, fait pour elle l'analyse grammaticale et la traduction, lui donne la feuille de papier, l'encre et la plume pour que l'âme puisse écrire sur notre vie? Supposons que le corps soit un dieu, un maître, un mentor, un guide. Serait-il sage, dans ce cas, de châtier ce maître qui a tant à enseigner? Avons-nous envie de laisser les autres, notre vie durant, juger et dénigrer notre corps? Avons-nous la force de les renvoyer dans leurs buts et d'être à l'écoute du corps en tant qu'être fort et qu'être sacré?
L'idée que se fait notre culture du corps en tant que sculpture et rien d'autre est fausse. Le corps n'est pas de marbre. Son but est de protéger, de contenir, de soutenir, d'enflammer l'esprit et l'âme qu'il renferme, d'être un reposoir pour la mémoire, de nous remplir de sensations - c'est la plus haute forme de nourriture psychique. Il est là pour nous élever, nous propulser, nous prouver que nous existons, que nous avons un poids et le sol sous nos pieds. On se trompe en le considérant comme un lieu qu'il faut abandonner pour s'élever vers l'esprit. Sans le corps, on n'aurait pas l'impression de franchir des seuils, de s'élever, d'être délivré de la pesanteur. C'est lui qui nous le fait ressentir. Le corps est la fusée de lancement et dans le nez de cette fusée l'âme, éblouie, contemple par le hublot la nuit constellée d'étoiles."
extrait de "Femmes qui courent après les loups"
de Clarissa Pinkola Estés
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