Mieux que tout autre sens, l'odorat a cette capacité incoyable de nous ramener en arrière, dans un monde passé, inaccessible autrement, enfoui sous les strates des souvenirs accumulés au fil des ans.
Invisibles et impalpables, particulièrement lentes à s'inscrire dans la mémoire, les odeurs en revanche, s'y gravent à tout jamais.
A la recherche du temps perdu, Marcel Proust écrit : "Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la morts des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistante, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir."
Certes, les évènements qui ont marqué la vie de chacun ne s'oublient pas. Mais si nos sens nous relient intimement au passé, les souvenirs visuels ou auditifs sont souvent émoussés, dissipés, ou enfouis tellement profondément que la conscience ne les retrouve pas. Les années ont beaucoup moins de prise sur les souvenirs olfactifs. Bien que ne disposant pas de support mnémonique, comme la photographie pour la vue ou l'enregistrement sonore pour l'ouïe, le temps ne les déforme pas.
En effet, le nez dispose d'une sensibilité stupéfiante. Même quand le corps est au repos, lui, est toujours en éveil et déclenche l'alarme en cas de danger. Dès la plus petite enfance, le petit d'homme est appelé à sentir les odeurs et à les identifier. Il semble même que l'odorat se soit développé avant sa naissance puisque le nouveau-né reconnaît tout de suite l'odeur maternelle, première odeur mémorisée. Adulte, il en détectera plus de dix milles différentes.
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