"Surtout, il y avait le tilleul. Immense et dévorant, il menaçait d'année en année de submerger la maison de ses ramages tentaculaires qu'elle se refusait obstinément à faire tailler et il était hors de question de discuter de la chose. Aux heures les plus chaudes de l'été, son ombrage importun offrait la plus odorante des tonnelles. Je m'asseyais sur le petit banc de bois vermoulu, contre le tronc, et j'aspirais à grandes goulées avides l'odeur de miel pur et velouté qui s'échappait de ses fleurs d'or pâle.
Un tilleul qui embaume dans la fin du jour, c'est un ravissement qui s'imprime en nous de manière indélébile et, aux creux de notre joie d'exister, trace un sillon de bonheur que la douceur d'un soir de juillet à elle seule ne saurait expliquer. A humer à pleins poumons, dans mon souvenir, un parfum qui n'a plus effleuré mes narines depuis longtemps déjà, j'ai compris enfin ce qui en faisait l'arôme; c'est la connivence du miel et de l'odeur si particulière qu'ont les feuilles des arbres, lorsqu'il a fait chaud longtemps et qu'elles sont empreintes de la poussière des beaux jours, qui provoque ce sentiment, absurde mais sublime, que nous buvons dans l'air un concentré de l'été.
...Dans l'air immobile, saturé de bourdonnement d'insectes invisibles, le temps s'est arrêté..."
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